Le livre se compose de 3 grands chapitres de longueurs inégales : de la République Tchèque à la France, en différents cycles / puis par thèmes, histoire – kitsch – érotisme… / enfin des dialogues avec les arts, notamment cinéma et musique. Nous allons nous consacrer ici plutôt au premier chapitre qui évoque le parcours européen de Kundera entre les deux mondes de l’Est et de l’Ouest.
Pour Kundera, il y a une double (et liée) discontinuité : géographique : l’Europe centrale et celle de l’Ouest ; et historique : 1968 et 1990. Une œuvre qui reflète « une négociation difficile d’une figure d’auteur avec l’histoire, individuelle et collective ». Géographie et histoire donc ; toujours présentes.
Ces deux aires géographiques, Kundera ne les aborde pas de la même façon. Si son héritage spirituel se situe dans la culture de l’Europe centrale (Musil – Broch – Gombrowicz) son passage à l’ouest aura des incidences importantes sur son œuvre. Kundera n’écrit pas de la même façon, avec les mêmes mots, ni la même chose en fonction de cela. Martine Boyer-Weinmann distingue un ‘cycle tchèque’ représenté par des romans sur le désenchantement au XXè siècle regroupant notamment La Plaisanterie, Risibles amours, La Vie est ailleurs. Ce cycle se caractérise notamment par une « relecture décapante du passé historique issu de l’après-guerre et un sarcasme autocritique. » Puis les déplacements historiques et géographiques amènent Kundera plus à l’Ouest, en France. S’ouvre alors un ‘cycle international’ conditionné par le nouvel espace d’écriture et de vie de l’auteur. Au tournant et dans les années 1980, il publie Le livre du rire et de l’oubli, L’Insoutenable légèreté de l’être, L’Immortalité, écrits en tchèque et où les personnages expérimentent la situation de l’exil. Puis, au mi-temps des années 1990 s’ouvre le troisième cycle dit ‘Français’ avec La lenteur. Ce changement de langue (Kundera écrit alors en Français) s’accompagne d’un changement de style narratif pour aller vers quelque chose de plus concis, de plus épuré. Ce passage du Tchèque au Français a lieu dans les années 80. Kundera révise alors les traductions de ses ouvrages. Le texte, « perpetuum mobile », est largement revu, Kundera défendant le droit à la réécriture l’auteur.
Si nous avons plutôt insisté sur le déplacement européen de Milan Kundera, cet essai permet d’ouvrir quelques horizons sur l’œuvre d’un écrivain qui nous évoque largement dans ses romans le passage de l’Est à l’Ouest, avec ses manières d’écrire, ses thèmes abordés comme l’identité, l’exil, le kitsch, l’érotisme, le langage, mais aussi les affinités avec le cinéma, la musiques ou d’autres écrivains qui sont expliqués et mis en perspective tout au long de cet ouvrage.
L. Bart – décembre 2009