Beigbeder faisait l'événement de cette rentrée littéraire 2009 avec un nouveau roman dont on disait le plus grand bien et avec lequel (enfin) on allait pouvoir le prendre au sérieux. Et qu'en est-il finalement ?
Pour ceux qui ne connaissent pas notre auteur, il s'est fait connaître par la publication de 99 francs, un roman largement autobiographique dont le narrateur est un publiciste narcissique et cynique qui décide du jour au lendemain de mettre un terme à l'hypocrisie ambiante de son métier. Mais on n'échappe pas à son destin, il n'est pas facile de laisser tomber un train de vie rutilant pour reprendre pieds dans la vie réelle ; chassez le naturel, il revient au galop... Beigbeder est un auteur atypique qui se prend trop au sérieux mais qui n'arrive pas à s'empêcher de faire le pitre. Il se cherche, tâtonne, a du mal à trouver sa place. Il se veut le nouveau Proust que tout le monde attend mais n'arrive pas à confirmer ses prétentions. Il est certes très cultivé, il a baigné dans les livres depuis sa tendre enfance mais n'arrive pas à exploiter cette culture pour en restituer sur le papier quelque chose de pertinent et abouti. Et pêle-mêle quelques titres de notre auteur : Dernier inventaire avant liquidation, Pardon pardon, Window in the world.
Un roman français est donc le titre de son nouveau roman. Titre un peu prétentieux à l'image du personnage, Beigbeder qui vient de se faire arrêter par la police en train de sniffer de la coke sur le capot d'une bagnole à la sortie d'une boîte de nuit en compagnie d'un ami « le poète », pendant son incarcération au poste, se met à évoquer l'histoire de sa famille, celle de son grand père héros de la première guerre mondiale, celle de ses parents, ses relations avec son frère. Ce dernier va bientôt recevoir la Légion d'honneur alors que lui croupit dans une cellule de dégrisement. Des élans de sincérité parsèment le roman qui est mieux écrit que les précédents. Le problème c'est que Beigbeder fait du Beigbeder et qu'il surcharge de références intellectuelles inutiles, des maladresses, des écarts de langage, des digressions. On a du mal à prendre en sympathie un fils à papa arriviste qui a pu certes souffrir du divorce de ses parents mais qui n'est tout de même pas à plaindre non plus et qu'il s'est mis tout seul dans cette situation (le fait d'être au poste de police). Pour reprendre une expression de l'essayiste Lejeune, Beigbeder justifie son pacte autobiographique dans ce livre par un élan de sincérité dans son style d'écriture qui sauve par moment le propos.
Confirmation d'un talent pour certains, pure fumisterie pour d'autres, les avis sont partagés.
D. Goulois – Octobre 2009