Anne Wiazemsky est une artiste touche-à-tout puisqu'elle est à la fois actrice (elle a tourné avec André Téchiné, Jean Luc Godard entre autre), réalisatrice de documentaire et écrivain. Elle a déjà reçu de nombreux prix pour certains de ses livres notamment le prix Goncourt des lycéens pour Canines paru en 1993 ou encore le Grand prix du roman de l'Académie française en 1998 pour Une poignée de gens. Son frère est un illustrateur connu sous le pseudonyme de Wiaz. Tous ses romans s'inspirent de sa vie intime, de son histoire familiale.
Mon enfant de Berlin est dans la continuité de ses écrits précédents inspirés de sa vie personnelle et de celle de ses proches. L'intrigue se déroule en 1944, Claire qui est la mère de la narratrice est engagée comme infirmière au sein de la Croix Rouge. Elle s'occupe de rapatrier les blessés dispersés un peu partout en France et à l'étranger. La narratrice mêle son propre discours à celui de Claire qui par ses lettres délivre ses impressions sur ses activités, ses émotions, ses rencontres. On comprend que Claire est un électron libre qui veut vivre sa vie au gré de ses impulsions et de ses envies. Elle se rend dans des lieux encore dangereux où dans l'euphorie et la désorganisation elle risque de perdre la vie. Elle ne veut pas non plus de la vie rangée à laquelle elle se destine. Son mariage avec Patrice, dont elle a l'impression qu'il a obtenu leurs fiançailles un peu sous la contrainte parce qu'il était prisonnier et que cette perspective de bonheur lui permettait de survivre et d'espérer jusqu'à la fin du conflit. Son père, François Mauriac, jouit d'une renommée au sein du milieu littéraire puisqu'il continue une activité intellectuelle assidue (mise en scène au théâtre, chronique, une forme de résistance à sa façon qui ne dit pas son nom), observe de loin sa fille mais il semble inflexible sur quelques points notamment sur son mariage et sur le fait qu'elle doit faire des efforts pour ménager et entretenir un lien avec sa belle famille. Mais il souhaite surtout qu'elle mette un frein à ses activités humanitaires. François Mauriac, dans ce livre, est très transparent mais on sent que Claire redoute ses décisions. Et puis un jour elle décide de partir en Allemagne et de rejoindre Berlin qui vient d'être découpé en quatre zones et dont il faut s'occuper des derniers blessés. Or c'est là-bas qu'elle va rencontrer l'amour et prendre des décisions importantes et déterminantes, elle a enfin l'impression de vivre.
On est intrigué par cette forte personnalité qui à sa manière, incarne un autre visage de femme combative celui peut-être d'un féminisme naissant. Ce roman délivre aussi le portrait d'une de ces nombreuses femmes pendant la guerre qui se sont découvert des élans de courage et d'engagement, sacrifiant leur vie pour une cause qu'elles trouvaient juste. On sent la narratrice fascinée par cette femme qui a été certainement un exemple, lui a montré qu'il était possible de s'engager dans n'importe quelle voie même quand on est une femme. Le style est toujours très élogieux pour Claire, quoi qu'elle ait fait, la narratrice tente toujours de justifier les décisions de cette femme, de présenter des explications qui lui ont été données bien plus tard après les faits avec du recul nécessaire pour analyser lors de longue conversation entre une mère et sa fille.
D. Goulois – Octobre 2009