Qu’est-ce qu’un espace littéraire ?
(Garnier X. et Zoberman P.)
Garnier X. et Zoberman P., Qu’est-ce qu’un espace littéraire ?, PUV, 2006.
Qu’est-ce qu’un espace littéraire ? Un tel titre ne peut qu’interpeller les géographes voulant comprendre les relations entre géographie et littérature. Bien sûr, ce livre fait immédiatement écho à M. Blanchot (voir par ailleurs) auquel il est en partie consacré. Au delà de cette référence incontournable sur ce thème, l’idée est ici de proposer un pendant à la notion sociologique de champ. D’ailleurs, dès l’introduction, l’affirmation du projet de cet ouvrage veut se démarquer d’avec la sociologie : « la notion d’espace littéraire, dont nous essayons ici de mieux comprendre les implications, est une pièce maîtresse pour une résistance à l’encerclement du littéraire par le « tout sociologique » » (X. Garnier). Si cette séparation annoncée des champs scientifiques est peut-être une des faiblesses de ce livre -en effet, il aurait été fort intéressant de voir comment imbriquer les recherches sur l’espace littéraire à d’autres champs d’études-, on trouvera néanmoins un certain nombre d’informations qui pourront nous intéresser dans le cadre de notre recherche géographique. Tout d’abord pour comprendre comment les « littéraires appréhendent le terme géographique « espace », comment ils le définissent (l’espace référentiel : « celui que l’on dit chargé de réalité ou de rêve, celui où il se passe des choses dont les signes rassemblés –signes rassemblés = espace textuel- dans le texte pourront rendre compte » (X. Garnier)) et l’emploient. L’espace littéraire est avant tout un espace lié à une rencontre entre un lecteur et un texte (X. Garnier, La littérature et son espace de vie). L’espace littéraire peut aussi être construit par l’intertextualité qui génère maint croisement de textes et de lectures (P. Helléouarc’h). Après une première partie plus théorique, le reste des communications portent sur des exemples plus concrets. P. Zoberman nous donne une définition de l’espace qu’un géographe donnerait plutôt au terme territoire : « Un espace se définit et se comprend par la manière dont il s’organise, se distingue d’autres espaces, se divise, se structure, mais aussi se perçoit. » (in Représentations du littéraire). Un des articles parmi les plus intéressants est celui de V. Magdelaine-Andrianjafitrimo sur Champs et espaces littéraires : le cas des romans francophones mauriciens. Elle y évoque notamment que « la littérature est assignable, c’est à dire qu’elle répond à un lieu qui la voit naître, voir provoque sa naissance ». V. Magdelaine-Andrianjafitrimo définit aussi l’espace comme étant par nature insaisissable et informe du fait qu’il n’est pas une chose en soit mais une catégorie mentale, une donnée de l’imaginaire. Parmi les autres articles, un d’entre eux pourrait plus particulièrement intéresser les géographes, celui sur la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique à travers des romans : « la frontière invite à reposer d’une autre manière la question « la littérature a-t-elle un espace ? » » interroge M. Van Delden.
Un ouvrage intéressant donc, qui peut être une des entrées (et il n’y a en a pas tant) pour comprendre comment les « littéraires » abordent l’espace. Cependant, on ne retrouve pas tout à fait les mêmes définitions des termes selon les champs scientifiques, et cela n’aide pas à une transdisciplinarité qui serait sinon intéressante, du moins essentielle pour une étude de ce type, mais aussi plus largement. On aurait aussi aimé trouver plus ce que les géographes ont du mal à faire lorsqu’ils veulent utiliser la littérature pour parler de l’espace : le lien raconté entre le monde et l’être (puisque c’est ça que tend à accomplir la littérature).
N. Gobenceaux – Mars 2007