Monsieur Gonçalo M. Tavares a un projet intitulé O bairro (le quartier) qu’il illustre par un petit dessin d’un ensemble de maisons liées à un ensemble de noms ; les plus grands noms de la littérature des XIXè et XXè siècles. Ainsi MM. Balzac, Rimbaud et Carroll sont voisins, tout comme M. Pessoa cohabite avec M. Pirandello ; M. Calvino, comme MM. Borges ou Valery, est quant à lui solitaire d’habitation. Monsieur Gonçalo M. Tavares, écrivain portugais né en 1970, nous propose ici le troisième volet de ce projet : après Monsieur Valéry et la logique, Monsieur Kraus et la politique, voici Monsieur Calvino et la promenade.
Le texte de G. M. Tavares se présente comme une succession de petits contes qui donnent à voir le monde, les relations entre les gens. C’est un regard à la fois tendre et sans concession sur tout cela qui est posé dans ces pages ; un regard sur le monde à la façon de certains textes du modèle, l’écrivain italien Italo Calvino (Palomar, qui appréhende du regard le monde qui l’entoure). Un surréalisme léger accompagne Monsieur Calvino au cours de ses pérégrinations dans son quartier, une ambiance quiète et saugrenue qui rappelle aussi Le Libraire de Régis de Sá Moreira. A l’instar d’Italo Calvino dans le texte sus-cités, Tavares propose ici une façon d’appréhender le monde, une petite métaphysique fantaisiste et empreinte d’humour.
Parfois, Calvino, obsédé par les méthodes: - Je m'intéresse de plein de manières différentes à la même chose.
D'autres fois, obsédé par les choses:
- Je m'intéresse de la même manière à plein de choses différentes.
Certaines fois, embrouillé:
- Je m'intéresse en même temps de plein de manières à plein de choses différentes.
Aujourd'hui, au réveil, paresseux:
- Je ne m'intéresse à rien, mais de plein de manières différentes.
(LE MATIN)
Une quête de l’infini à travers les petites choses du monde quotidien, à travers des exercices de concentration que s’impose Monsieur Calvino comme lorsqu’il se promène en transportant des barres de façon absolument parallèle au sol (EN TRANSPORTANT DES PARALLÈLES). Cet infini qu’il trouvera bêtement ou simplement au bout d’une rue, au bout de sa promenade, au bout du livre. Un livre agrémenté de petits dessins très simples qui enluminent le texte, participent parfois à sa compréhension tout en apportant un plus à l’esthétique de la page. Ces dessins sont de Rachel Caiano.
Et dans cette dernière historiette apparaît un mot, le mot absurde ; c’est cela même, Monsieur Calvino nous emmène dans l’absurde… absurde comme le monde finalement.
Bien entendu, comme il a déjà été évoqué, G. M. Tavares fait explicitement référence au Palomar d’Italo Calvino, au style d’écriture de ce texte aussi. Jacques Roubaud propose un après-propos où justement il met en évidences les parallèles qui relient à l’infini Monsieur Calvino à Palomar.
Les éditions Viviane Hamy complètent, avec ce joli petit livre, un très beau domaine étranger qui comprend notamment des ouvrages de Magda SZABÓ, Dezsö KOSZTOLÁNYI ou Goliarda SAPIENZA.
L. Bart – septembre 2009