« Qu’est-ce que l’Europe ? Un espace géographique ou un modèle de civilisation ? Une machine économique ou un projet politique ? Une nouvelle réalité historique ou une pensée philosophique ? »
Pour chercher à répondre à ces questions, le collectif d’universitaires d’horizons variés (anthropologues, juristes…) responsable de cet ouvrage propose de se pencher sur l’idée de multiculturalisme afin de voir si cette notion peut être une réponse à la difficulté de définir une identité à l’Europe car « de toute évidence, l’Europe unie relève, dès ses origines, d’un pluralisme de fait : diversité linguistique et diversité culturelle, institutionnelle. »
La longue introduction de R. Kastoryano fait un tour d’horizon complet de ce qui sera abordé ultérieurement. Il définit particulièrement le multiculturalisme (« une situation relevant d’une diversité culturelle, d’un pluralisme propre à toute société industrielle ». « Pour certain, le multiculturalisme correspond au respect des identités culturelles[…] et constitue le fondement de la démocratie »). Il pose aussi l’un des grandes idées de cet ouvrage : la recherche de ressemblances pour une Europe unie souligne ses différences. Ces difficultés à trouver une unité européenne, entre autres au niveau politique, suppose donc non pas de réutiliser un modèles déjà existant mais d’inventer un nouveau modèles de société et d’instaurer un projet civilisationnel pour former un esprit européen (J.M. Ferry). Cette idée de la complexité culturelle est reprise par Y. Hersant : « il est impensable de définir une culture européenne qui reviendrait à faire abstraction de la diversité des cultures nationales, des langues, des identités ». La question devient alors : comment combiner la pluralité des identités ?
Comment se définit la citoyenneté européenne ?
Le multiculturalisme bas de la division en les Etats-nations ne pourrait-il pas être aussi à l’origine d’une identité européenne ?
Par quel autre processus pourrait être formée une culture de citoyen européen ?
Voici les grandes problématiques que se propose d’aborder ce livre à travers trois grandes parties.
La première, intitulée LA PRODUCTION CULTURELLE DU MULTICULTURALISME EUROPEEN regroupe des contributions de M. Abelès (anthropologue), Y. Hersant (lettres) J.Weiler (droit) réfléchissant sur quelle culture commune s’appuyer. Elle mets en évidence les difficultés illustrées par les différences des acteurs, des langues. La grande question qui émerge ici (et qui reviendra aussi dans les parties suivantes) est comment articuler l’un et le multiple en Europe ? Il ressort qu’une unité culturelle semble difficile, voire impossible. La piste explorée est donc de savoir si l’unité ne peut elle pas plutôt se faire dans la diversité.
La deuxième partie, LA PRODUCTION JURIDIQUE DU MULTICULTURALISME EUROPÉEN (avec des textes des juristes Weiler, E. Decaux et la spécialiste de l’immigration V. Guiraudon), est consacrée à la question de l’unité juridique. Cette sphère juridique est aussi tiraillée en uniformité et diversité. Une approche juridique globale est-elle possible et pertinente quand on sait que la définition des droits fondamentaux varie souvent d’un régime politique à l’autre. Un grande partie est aussi consacrée aux droits de l’homme qui sont devenus une part importante du discours sur l’identité européenne, notamment à travers la question de l’adhésion de la Turquie.
Enfin, la troisième partie ETATS, NATION, FRONTIERES aborde au travers des exposés du philosophe J.M. Ferry, du juriste R. Leveau et du sociologue D. Lapeyronnie, une caractérisation des différents groupes culturels européen avec notamment une préférence pour des découpages Ouest/Est et Centre/Périphéries. Certaines contributions reviennent aussi sur la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité de pensée l’Europe comme une nation. Il faut donc réfléchir à un autre type d’Etat supranational.
Ce petit livre est très utile pour réfléchir à la définition de l’unité que peut présenter l’Europe, à comment faire l’Europe sans la standardiser et en gardant sa diversité, à la difficulté de construire l’identité européenne en articulant la diversité et le commun. Il met en évidence une complexité de la recherche d’une identité commune que l’on aurait peut-être pas soupçonnée.
Ce qui est au final troublant, c’est qu’on lit ce livre avec l’espoir de découvrir l’identité européenne et que finalement, on en ressort non pas avec une définition de cette identité mais avec une conscience de la difficulté de saisir cette identité et avec un certain nombre de pistes de réflexions proposées par les auteurs.
N. Gobenceaux