Le colloque sur le partage regroupe des communications de nombreux spécialistes des domaines culturels et scientifiques venant d’horizons intellectuels et géographiques très divers. On retrouve ainsi des universitaires (Umberto Eco, Henry Louis Gates, Heinz Wismann), des journalistes (Franz-Olivier Giesbert, Furio Colombo), des juristes (B. Helena Kennedy), des religieux (Sœur Emmanuelle, Père Ceyrac) ainsi que des philosophes, des hommes politiques, des écrivains.
Comme le colloque, l’ouvrage se découpe en quatre grandes parties. La préface et l’introduction conséquente s’emploient principalement à définir l’idée de partage. Elie Wiesel soulève la question de l’altérité : « Partager signifie une reconnaissance de l’autre. » Françoise Rivière continue sur ce thème. Pour elle, le partage est « la réciprocité féconde des rapports et des rencontres ». Le philosophe Roger Pol Droit, quant à lui, dit du partage qu’il « est le fondement même de l’expérience humaine ». Une idée qui aura un écho dans la table ronde de la dernière partie de l’ouvrage. Il explique aussi les deux sons du partage : le partage division et le partage réunion. Enfin, dans sa contribution sur le partage et la solidarité, Monique Canto-Sperber évoque le fait que « le partage brise le principe de l’égoïsme ».
La première partie, « CHACUN EN A SA PART... » revient principalement sur le thème du partage des richesses et sur le partage économique. Si Jaqueline de Romilly explique cela en reprenant des mythes de l’Antiquité grecque, Alain Minc et Christophe Aguiton nous parlent du monde actuel et de ce qui tourne autour de la mondialisation. Dans sa communication, G. Aguiton propose d’ailleurs de « penser en termes de biens communs et d’espaces communs » les alternatives à l’individualisme libéral. Lors du débat, Monique Canto-Sperber rappelle « qu’il n’y a pas de sens du partage qui ne ramène à une expérience de dépendance ».
La deuxième partie de ce livre est intitulée « ET TOUS L'ONT EN ENTIER ». Il est ici question du partage des connaissances. Les connaissances font partie des choses qui ne diminuent pas lorsqu’on les partage. Comme le fait remarquer Jérôme Bindé, « l’un des intérêts premier du partage des savoirs est de réduire les coûts […]. Il n’est pas nécessaire que la roue soit inventée plusieurs fois. » Il renchérit en disant que « la notion de société du savoir ne signifie pas qu’on y trouve beaucoup de savoir, mais avant tout, qu’on y trouve du savoir partagé par le plus grand nombre. » La problématique de l’ancien président indien est le partage de la démocratie. Il voit le partage comme une liberté réciproque : « partager signifie donner librement ce que nous avons et aussi pour celui qui reçoit l’accepter librement sans contrainte et sans pression. » Enfin, Umberto Eco et Franz-Olivier Giesbert reviennent sur le partage de l’information qui est pour eux la denrée désormais la mieux partagée.
Le chapitre trois est consacré à « PARTAGER LA MEMOIRE ». En ce qui concerne le partage de la mémoire entre différentes civilisations, Henry Louis Gates évoque la difficulté de construire une mémoire « noire ». Mais nous retiendrons ici un passage de Jorge Semprun dans son texte sur « la mémoire récalcitrante » : « l’Europe partage ou peut partager […] un certain nombre d’événements historiques positifs ou négatifs [comme] la résistance aux nazis, le colonialisme, l’antisémitisme. »
La quatrième partie est intitulée « ORGANISER LE PARTAGE ». Dans ce chapitre, nous retiendrons principalement l’idée avancée par B. Helena Kennedy selon laquelle partager sa culture offre de plus grandes chances de paix.
La table ronde de clôture du colloque a pour thème « LE PARTAGE COMME EXPÉRIENCE HUMAINE ». quelques interlocuteurs, parmi lesquels Julia Kristeva, Furio Colombo ou encore Sœur Emmanuelle, se succèdent pour faire part de leurs expériences vécues du partage. Nous citerons ici le Père Ceyrac avec une phrase dont l’idée me semble extrêmement intéressante : « Pour changer les structures d’un pays, il faut changer l’échelle des valeurs. » Cette phrase me paraît être un point de départ essentiel pour envisager une autre société qui pourrait se faire en développant notamment le partage ! Pour finir et ainsi boucler la boucle, on peut revenir sur l’altérité avec P. Zemor
« Partager c’est vivre ensemble en reconnaissant les différences des autres. »
Cet ouvrage est très intéressant par le fait qu’on y trouve à la fois des textes théoriques de définition du partage est des textes plus ancrés dans la vie quotidienne. Les textes ne sont pas la célébration d’un type d’idées avec lesquelles tous sont d’accords. On retrouve des auteurs défendant des positions qui s’opposent (comme les contributions d’Alain Minc et celle du représentant d’ATTAC Christophe Aguiton). Enfin, Tous ces textes ont l’immense mérite d’être écrits d’une façon tout à fait claire et lisible. Et, si parfois, certaines contributions s’éloignent du thème, elles n’en restent pas moins le plus souvent fort intéressantes.
N. Gobenceaux