Pour introduire l’ouvrage, on peut préciser que R.-P. Droit « ne fait cependant qu’une présentation » de textes fondateurs et marquant dans la construction de l’histoire intellectuelle de l’UNESCO. Cela qui est déjà une vaste entreprise.
Une longue introduction replace la création de l’UNESCO dans son contexte et évoque les évolutions qui ont amené aux évolutions des idées, des objectifs de l’Organisation, car « il y a peu des traits communs entre la planète de 1945 et celle de 2005 ». Cette évolution fait que même si les idéaux sont les mêmes (liberté, dignité, paix, éducation, …), le sens qu’on leur donne aujourd’hui n’est plus le même que celui de 1945. L’UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization) est connue et reconnue dans le monde entier, cependant, selon l’auteur, son histoire et les idées qu’elle véhicule restent floues. L’objet de ce livre est de contribuer à clarifier le rôle de cette organisation internationale, la seule chargée de « construire dans l’esprit des hommes les défenses de la paix ». L’auteur nous rappelle que le postulat de départ de l’UNESCO est que « la connaissance constitue un facteur d’amélioration éthique et donc de paix dans les relations entre les humains ». La connaissance de l’autre et la valorisation fondatrice du savoir sont donc ce sur quoi repose cette organisation. Par ailleurs, l’auteur souligne la parenté entre l’acte constitutif de l’Unesco et les projets de paix de Rousseau et de Kant et rappelle qu’ « une part importante des idées de l’UNESCO provient de la philosophie des Lumières et de ses idéaux universels ».
R.P. Droit construit son ouvrage autour du commentaire d’extraits de textes ayant trait à chacune des parties de la phrase tirée de l’acte constitutif : « Après les catastrophes du XXè siècle, il faut reconstruire, avant tout éduquer dans l’esprit des sciences, des humains égaux et différents, avec les moyens de communiquer pour protéger et préserver la pax, la diversité des cultures et finalement la vie ». Les encadrés présentés ici sont des évocations de sous parties de chapitres intéressant plus particulièrement notre démarche.
Après les catastrophes du XXè siècle…
Après les guerres du XXè siècle, et « devant un monde nouveau, il s’agit de réinventer l’humanisme en utilisant les nouveaux moyens de communication au service de l’éducation et de la culture ».
…il faut reconstruire…
De l’UNESCO, crée à Londres en 1945, on attend deux choses : des initiatives techniques dans un certain nombre de domaines techniques essentiels, et une action d’ensemble sur « la condition spirituelle des peuples et des individus ». Pour mener à bien cela, l’organisation se doit d’être en perpétuel commencement, « elle doit en permanence réinventer les moyens de tenir ses promesses, selon les changements du monde ».
…avant tout éduquer …
L’éducation vient au début du sigle, elle tient une place centrale dans ce projet car « l’éducation vient avant tout le reste, […], tout passe par elle, tout en découle. » L’éducation et le combat pour l’égalité ne peuvent être dissociés.
…dans l’esprit des sciences…
Comme l’éducation, le mot science est mise en exergue dans le sigle de l’organisation. La science ne peut en effet être occulté de notre monde et donc de la construction de l’humanité. Sur ce thème des sciences, les missions de l’UNESCO sont centrées principalement sur l’enseignement des connaissances scientifiques et sur leur place dans la culture afin de combattre les différences d’enseignement entre pays riches et pauvres ainsi qu’entre cultures littéraires et scientifiques.
…des humains égaux et différents…
« L’éthique, la paix, la démocratie, le développement, et toutes les aspirations qui leur sont liées, exigent l’égalité comme condition essentielle de leur construction. » De cela découlent les préoccupations attachées aux Droits de l’Homme ainsi que la place centrale de la réflexion sur le racisme.
Droits de l’homme : droits universels ou occidentaux ?
Cette question a été très débattue dans les années 80’. Si « la formulation des droits de l’homme reflète les conceptions occidentales de l’individu, les droits de l’homme soumettent-ils alors les cultures traditionnelles à la domination idéologique de l’occident ? » L’auteur propose ici de retravailler la formulation des droits de l’homme.
…avec les moyens de communiquer…
Les moyens de communiquer se sont considérablement développés au cours des soixante dernières années. Ils ont aujourd’hui « une place centrale dans la connaissance réciproque des différentes cultures les unes par les autres ». L’auteur illustre cela par un exemple qui montre ladite évolution : après guerre, l’UNESCO se préoccupe surtout de mieux répartir les livres ou de développer la lecture de journaux. Aujourd’hui, le souci est d’élaborer de nouvelles normes par la construction des sociétés du savoir.
Le nouvel ordre mondial de l’information
L’information à donc prit une nouvelle dimension, elle est , « essentielle dans la représentation que chacun se fait des autres et de lui-même ». Elle est devenue un enjeu majeur de la construction de la paix par le dialogue et le respect mutuel. On parle alors de décolonisation de l’information car « les pays en développement continuent de consommer une information mondiale conçue en général par les pays développés et qui tend à maintenir d’une part, l’homme du tiers-monde dans un certain état d’aliénation et, d’autre part, l’homme occidental dans une dangereuse ignorance des réalités de ces pays tout en le confortant dans la béate assurance de sa supériorité […] » (R. Najar, 1977)
…pour protéger et préserver…
Une des multiples facettes de l’UNESCO, et sûrement celle la plus connue, est l’action en relation avec le patrimoine. L’action de sauvetage de sites inscrits au Patrimoine mondial fait partie des premières préoccupations de l’organisation avec dès les années 50’, le sauvetage des temples égyptiens. La réflexion sur ce thème l’amène en 1972 à établir une Convention pour le patrimoine culturel de l’humanité. Cela veut dire que l’on considère désormais qu’un certain nombre de sites possèdent une valeur universelle. Cette action s’est par la suite étendue aux paysages, aux folklores. « En associant dans un même ensemble biens culturels et naturels, elle fait bouger la frontière entre nature et culture ».
…la paix…
Ce chapitre nous rappelle que « la paix est le but unique de toutes les activités de l’UNESCO. C’est là sa raison d’être, sa justification, son seul objectif », les différents programmes proposés sont donc tous à ce service. La définition de la Paix proposée ici va au-delà de la simple absence de guerre. Il s’agit aussi du développement individuel et collectif, de la relation avec l’environnement ; or cette Paix « ne peut être fondée que sur la compréhension entre les peuples ». Nous rejoignons ici l’argument précédent concernant l’information.
…la diversité des cultures…
« L’intention fondatrice de l’UNESCO est que les cultures se découvrent réciproquement, apprennent à se connaître, cessent ainsi de se mépriser et renoncent par là même à être violentes les unes envers les autres. » L’auteur précise que la définition du mot culture à évolué. « L’idée de culture, aujourd’hui, n’a pas le même contenu qu’il y a soixante ans. Les rédacteurs de l’Acte constitutif […] entendaient par « culture » les lettres, les arts, le cinéma et toutes les productions de l’esprit. Ce sens relativement restreint s’est progressivement élargi, au point qu’à présent, quand on parle de culture […] on entend toutes les données transmises par une société, y comprit les habitudes quotidiennes et les détails de la manière de vivre. La notion de culture est donc pratiquement devenue synonyme d’identité. »
L’un des éléments qui a fait évoluer cette définition de la culture est notamment la redécouverte lors des cinquante dernières années des cultures occultées notamment par la colonisation. « On fait alors ressortir l’identité multiple de l’homme. » Cette identité multiple qui est à présent mise en avant en réaction au phénomène de mondialisation.
…et finalement la vie.
Cette partie fait principalement référence aux avancées biotechnologiques. On nous rappelle ici la vocation éthique de l’UNESCO qui tente de faire naître une conscience planétaire afin d’élaborer des normes protégent, au-delà de la vie, l’identité humaine.
En conclusion de ce livre qui expose finalement à travers l’histoire de l’UNESCO l’évolution de notre monde sur les dernières décennies, R.P. Droit propose quelques questions d’avenir que va être amené à se poser l’UNESCO. Ces questions sont :
- Comment articuler diversité et universalité ?
- Comment articuler innovation et préservation
- Comment articuler la renaissance des fanatismes religieux et les droits fondamentaux.
N. Gobenceaux