Biblioforum

Bellefroid T., Le roman d’aire libre, Ed. Dupuis, 2008

• Comme l’avoue l’auteur lui-même, ceci n’est pas un roman mais plutôt un récit construit à partir de témoignages. Ce livre narre la naissance, la vie et l’épanouissement de la collection « Aire libre » de la maison d’édition Dupuis. Elle fête en cette année ses vingt ans. Une grande fille au parcours sinueux, passionnant, tout sauf linéaire.
  Le contexte est clairement expliqué par Thierry Bellefroid au début de ce récit : une maison d’éditions essoufflée, prisonnière de son image, avec en fond des difficultés économiques. Il faut dépoussiérer. Deux personnages des éditions Dupuis vont le faire : Philippe Vandooren et Jean Van Hamme. Il faut créer une collection « adulte » et ne plus se contenter du secteur « jeunesse ». Aire libre sera une collection où le dessin rejoindra la littérature, donnant à la B.D. ses lettres de noblesse. La densité des propos, la force du dessin et la recherche de l’innovation et de l’originalité seront les moteurs de la collection. Un peu plus d’une centaine d’ouvrages parus, avec des révélations mais aussi des noms déjà confirmés. Des histoires d’amour souvent, la guerre parfois, l’humour grinçant (« Houppeland » de Tronchet) ou la désillusion, l’ironie et le drame. Les contours du continent africain servent souvent d’écrin aux histoires (« Le bar du vieux français » par Stassen et Lapière, « Deogratias » par Stassen). Le futur est évoqué (« La Guerre éternelle » par Marvano et Haldeman) mais ce sont les souvenirs qui affleurent plus fréquemment (comme dans l’émouvant « Là-bas » par Tronchet et Sibran). L’Europe quant à elle est traitée la plupart du temps sous l’angle de la guerre, la Première ou la Seconde, substrat inconscient mais réminiscent, conscience collective exprimée dans toute son ampleur dramatique. Dans ce registre l’un des ouvrages les plus saisissants est certainement « La lecture des ruines » de David B. : la ligne du dessin, les couleurs, la mise en scène des paysages presque cubiste, le propos qui montre à quel point la guerre (dans le cas de la Première guerre mondiale considérée comme technologique et industrialisée, et qui peut ainsi revêtir une dimension « aseptisée » et abstraite) est primitive, viscérale, mythologique. Sur un champ de bataille sont réunis des officiers britanniques, des brigands français, un chercheur hollandais… Interculturalité européenne dans la douleur… Originalité des récits mais aussi de la forme : « Le photographe » en est la meilleure illustration, à la fois montage photo et montage cases…
  
  A travers ce récit, on ressent toute la passion qu’ont dû éprouver Vandooren, Gendrot, Gnaedig… en lisant les projets, en découvrant les planches, les scénarios. La jouissance de la découverte. Rien ne manque dans ce récit, grâce au travail de fourmi de Thierry Bellefroid à la recherche de témoignages de tous les acteurs d’Aire libre : les coups de fil, les déclarations d’admiration tardives, les repas où doivent se décider l’avenir d’un projet, les signatures de contrat, les non-dits, les phrases sublimes et cinglantes (« Qu’est-ce qu’un grand dessinateur ? – C’est quelqu’un qui dessine comme personne », Vandooren). Rien ne manque : les disparitions, - de Vandooren, de Didier Lefèvre - , les histoires d’amour, -celle de Tronchet et d’Anne Sibran -, les rencontres miraculeuses et inespérées, - Edmond Baudoin et Céline Wagner, les rivalités, - auteurs « maison » et auteurs d’Aire libre… Des rendez-vous manqués, des occasions retrouvées… voici donc toutes les composantes d’un parfait roman… Alors on se prend à rêver : quel auteur et quel dessinateur se plongeront dans l’aventure de raconter le roman d’Aire libre en bande dessinée ? Ce livre passionnant est une histoire qui raconte une histoire qui raconte une histoire…
  
  
  A. Delaunay – Novembre 2008
  
  
  

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	Autore	Titolo	Descrizione
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