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Biblioforum


De Montremy J. M., Capucine à Valence, ed. du Rocher 2008



  • Voyager. Découvrir. Une ville en l’occurrence. Il y a deux ans, préparant un voyage à Cracovie, l’une de mes premières idées fut d’aller à la librairie polonaise du bd Saint-Germain. Là comme je demandais ce qu’ils avaient sur Cracovie, on ne me sortit que Cracovie à vol d’oiseau de Sylvie Germain. « Non, pas d’autre récit de voyage sur Cracovie ». Je repartais donc avec ce livre sous le bras ; assurément une bonne lecture pour occuper les 20h de train. C’est ainsi, par hasard, par défaut, que j’ai découvert cette très belle collection ‘La fantaisie du voyageur’ proposée par les édition du Rocher et dont je vais vous présenter Capucine à Valence.

    Ce livre est avant tout une sorte de journal de voyage en trois dates (9, 10, 11 avril 2007), le compte-rendu d’un bref passage à Valence dont chacun des jours est évoqué en une centaine de pages. 3 jours pleins donc, pleins de ce que l’auteur voit, plein de ce dont l’auteur se souvient aussi. 3 jours pleins donc et parsemés de références culturelles diverses, de nombreux extraits de textes.        Point de départ de cette épopée, autant intérieure qu’urbano-valencianne, le Sacre du printemps de Stravinsky salle Pleyel, « Quelque chose de mat, comme les arènes de Valence. » Et puis l’ami Florian Witt qui par un mail va mettre l’auteur en route pour l’Espagne. Et le notre par la même occasion.         Dans cet ouvrage, J. M. de Montrémy nous propose une sorte d’emboîtement d’échelles. Certes il y a Valence au centre du livre ; la vache Capucine elle-même au centre de Valence, dans la cathédrale, près de Saint-Luc. Puis il y a Valence 1,2,3,4 (l’évolution de la ville de Valence – de 1 : le centre à Valence à 4 : la périphérie) ; puis autour l’Espagne, puis encore au-delà l’Europe. J.M. de Montremy, aborde, entremêle, relie toutes ces échelles.

    Voyage multiple ; dans une ville mais aussi dans le temps et dans l’espace. Voyage-pensée, voyage-souvenir. Nous allons découvrir Valence à travers les filtres culturels de J.M. de Montremy/"Arnaud", filtres eux aussi multiples, culture foisonnante musicalement, picturalement, architecturalement. Rendez-vous pris avec l’ami Florian Witt, nous commencerons par visiter la cathédrale, voir une œuvre de Goya … et rencontrer la fameuse Capucine. L’auteur va ensuite nous balader dans l’histoire et la géographie de la ville, de la Cathédrale donc au port, des bords de la Turia au Musée des Beaux-Arts, en passant par le centre commercial, le ‘Cortes Ingles’, le ‘Jardin botanico’, le tout avec quelques excursions-souvenirs en Irlande notamment ; quelques digression littéraires vers Proust ou Malraux ou encore O. Pamuk. Sans oublier quelques compagnons de voyage récurrents tels que Claude Simon, Federico Garcia Lorca, Goya. De Montremy nous livre ses impressions de la ville ; de la ville en général : « Pas encore aperçu d’autobus : les autobus signent une ville, comme les voitures de police. » ; et de ce qui fait Valence : « Ne jamais oublier que Valence est un port ». Continuons donc d’errer avec l’auteur, accompagnons-le dans un non-lieu par excellence : un centre commercial ; là l’auteur nous explique son attirance pour cette grande surface : « Pourquoi suis-je à ce point sensible aux non-lieux ? Sans doute pour oublier, comme on oublie le réel en faisant ses courses au supermarché, alors qu’on est en train de dépenser très réellement de l’argent réel. […] Etant là nulle part et n’importe où, j’ai l’impression de n’avoir ni passé, ni futur : pas d’existence particulière, ni d’obligations. »         Incisif donc envers ces grandes surfaces déshumanisantes, l’auteur l’est aussi tout au long de ce livre. De Bush -et de l’axe du mal- qui confond le bien et le bon par exemple, ce qui rend kitsch : « L’Occident est l’axe du kitsch. » Des régionalismes aussi : « Je suppose que les Catalans lisent les vers Castillant dans toutes les langues sauf le castillant. […] Cela devient belge ; les Flamants crèveraient la gueule ouverte plutôt que de parler français aux Wallons, et réciproquement, les Wallons ne causent pas un mot de flamand. » Du pouvoir espagnol enfin : « Aznar était une brute, Gonzalès un menteur, mais Zapatero c’est exactement Janus, sa face d’arrière est incroyablement noire, tandis qu’il charme le public avec sa face de Bambi ».

    Et comme tout voyage est aussi une occasion pour faire un retour sur soi-même (se voit-on mieux de loin ?), De Montrémy évoque des larges pans de son enfance, un voyage fondateur en Irlande ; son premier récit de voyage (3 lignes sur un trajet en train en Angleterre) ; sa vision de l’écriture (tel un charençon l’écrivain ne fait que piller les autres) ; son abandon rapide de la photographie… Et aussi l’amie Leriana, la gare de Metz, Œdipe, Louis II de Bavière, les cathédrales, Baudelaire, Ariane et Barbe Bleue à Lyon et pour boucler la boucle, finir en musique…

    Voyager. Découvrir. Vouloir voir Valence maintenant ; avec le texte de Montremy dans le sac, user le livre avec la ville. Vouloir voyager érudit aussi, chercher à mon tour des compagnons dans l’histoire et la littérature, et comprendre que l’Europe est partout aujourd’hui, dans le moindre détail de la ville, de Valence, et des autres.

    N. Gobenceaux – Août 2008

    Dans la même collection : Une chambre à Turin (G. de Cortanze)



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