Les arts tiennent une place centrale dans l'idée de culture. Cet espace est consacré aux arts des peuples européens . Uno spazio dedicato all’arte, che della cultura è ingrediente principale, tanto che spesso arte e cultura si identificano, assume in questa rivista una particolare rilevanza: Riflettiamo dunque sulla creatività come risposta alle situazioni difficili che purtroppo non mancano mai né dentro di noi né nel mondo che ci circonda. |
Frédéric-Yves Jeannet est né en 1959. A moins de 20 ans il quitte la France pour le Mexique dont il prendra la nationalité. Après avoir vécu à Londres, à Genève, à New York, en Nouvelle-Zélande (…notamment…) il se réinstalle au Mexique. Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages publiés en langues française et espagnole.
La Lumière naturelle est un petit livre paru en 2002 chez l’éditeur Galilée. Il porte comme sous titre Esquisse d’un livre futur. Ce livre peut être une bonne entrée dans l’œuvre de cet écrivain atypique. Il y reprend à la fois les thèmes qui parcourent toute son œuvre, la tension entre la mémoire et la géographie, la tentative de retour à la vie et la mort des êtres chers, le père trop vite disparu, la mère éloignée et annonce l’alors futur Recouvrance paru en 2007.
Comme il s’apprête à sortir son dixième livre, à partir de La Lumière naturelle déroulons les fils de cette œuvre.
L’œuvre de Frédéric-Yves Jeannet se compose de deux grandes parties. Une charpente composée de quatre livres : Si loin de nulle part – Cyclone – Charité – Recouvrance : qui s’apparente à une entreprise autobiographique. Et des satellites (non pas de façon péjorative car le centre ne serait plus centre sans périphérie) qui sont des rencontres avec d’autres écrivains ou artistes ; mais ces satellites sont bien entendu une part constitutive de ladite charpente, un partage avec quelques compagnons de route comme Michel Butor, Hélène Cixous, Annie Ernaux et le photographe Philippe Dollo.
Au milieu de tout cela. La Lumière naturelle occupe une place particulière dans cet ensemble qui forme un grand livre de mémoire, pas tout à fait dans la charpente mais pas rencontre non plus. C’est un retour sur les livres précédents et avant-goût de l’alors futur Recouvrance. On y retrouve ces thèmes qui sous-tendent l’entreprise littéraire de Jeannet : le fils nécessaire à la survie de Si loin de nulle part, le manque du père disparu de Cyclone, la mère de Charité. Autobiographie ? Autofiction ? Jeannet se détache de cela, d’être tout entier dans ce qu’il écrit : « Si je suis partout présent, sans doute, dans ce que j’écris, ce n’est pourtant pas de moi qu’il s’agit, car il ne s’agit pas pour moi de raconter ma vie, d’exposer mon histoire individuelle pour en faire une œuvre d’art […]; il s’agit d’explorer le temps, de retracer en lui une histoire qui s’y est fondue et s’y dissoudra à nouveau dès qu’elle aura été retrouvée, […] Autoportrait, peut-être, d’un inconnu saisi dans la marée de l’histoire. » (F.Y. Jeannet, Recouvrance p. 198)
Esquisses d’un livre futur. Ce sous-titre à La Lumière naturelle résume une partie de la démarche d’écriture de Jeannet : se / nous mettre en abîme dans le livre qu’il est en train d’écrire. Nous lisons le livre qu’il écrit / qui s’écrit au fur et à mesure que nous le lisons. Jeannet nous fait entrer ainsi dans le processus d’écriture du livre, dans la douleur de l’écriture de ce livre qui va finalement donner l’objet que nous avons entre les mains. Il nous plonge dans ses différentes versions de manuscrits comme un géologue dans ses couches géologiques, il nous plonge dans ses réassemblages de textes : « en relisant cet hasardeux assemblage de vieux feuillets jaunis que rien ne semblait rapprocher, où j’avais pourtant cru pouvoir trouver la matière d’un autre livre, il m’avait fallu me convaincre qu’il ne restait plus désormais dans cette chemise usée, rendue jaune par le temps, aucune matière utilisable ni rien à façonner ou reprendre. » (La Lumière naturelle p. 69)
Une géographie de la mémoire. Si Frédéric-Yves Jeannet nous plonge dans son histoire personnelle, il nous met aussi au monde tant son parcours l’arpente, justement, et tant le monde soutient cette mémoire : « ces notes & ces fragments, tous ces lieux de ma jeunesse nomade superposés, surexposés dans la mémoire, dont j’avais déjà fait un usage immodéré, n’avaient plus rien à m’apprendre du passé que je ne sache déjà ou n’aie déjà sondé, interrogé, remué » (La Lumière naturelle p. 69). Et Jeannet de nous emmener donc à Londres, au Mexique sous le même volcan que celui de Lowry, à New York, au Japon, à Brest, dans l’est de l’Europe…. Une géographie centrifuge qui, tout en les interrogeant, tend à l’éloigner de ces villes maudites de l’enfance, « la ville des espions » (Chambéry) et « la ville Noire » (Grenoble).
Frédéric-Yves Jeannet propose une écriture âpre, exigeante, riche par ses influences, cyclique aussi puisque replongeant sans cesse dans d’anciens manuscrits pour élaborer le livre futur. En déroulant, reprenant, reprisant perpétuellement son manuscrit du livre de mémoire, il nous évoque son expérience et sa quête de sérénité, il nous évoque le monde.
Apostille. Dans Osselets, qui vient de paraître chez Argol, F. Y. Jeannet nous dresse un autoportrait, composé de son histoire et de sa géographie. Vancouver ... le Mexique ... un passage en Argentine ... l'Asie beaucoup, sur les traces d'un ami et sur celles du grand père (histoire & géographie, donc). « Le monde roule sous le stylo et les années se mélangent » (Osselets, p. 55). Osselets peut aussi être une entrée, à rebours cette fois-ci, pour remonter dans le temps, la mémoire de l'auteur.
Nathanaël Gobenceaux a suivi des études de géographie appliquées à la littérature (le récit de voyage en Italie, Michel Butor). Il est médiateur culturel au musée Balzac de Saché. Il tient aussi les blogs Les lignes du monde et BALZAC (par de petites portes).