Après avoir passé son enfance à voyager pour suivre son père officier britannique, en autre en Extrême-Orient et en Allemagne, Ian McEwan a fait des études à l’université du Sussex. C’est durant les années 1970 qu’il publie ses premiers ouvrages, deux recueils de nouvelles qui paraîtront en France au début des années 1980 (mais curieusement pas dans leur intégralité). Ses sujets de prédilections sont surtout la sexualité, le sadisme, la dépravation. En 1993 il reçoit le prix Femina pour son roman L’enfant volé publié en 1987. Il obtient en 1998, dans un climat de grande polémique, le Booker Prize pour Amsterdam. En France il connaît le succès avec Reviens-moi (récemment porté à l’écran.), puis Samedi et Expiation. Notre auteur nous revient lors de la dernière rentrée littéraire avec un texte très court : Sur la plage de Chesil.
L’histoire est assez simple. Nous sommes au début des années 60, un jeune couple vient de se marier. Il passe sa lune de miel dans une demeure somptueuse. Seulement lorsque les deux jeunes mariés s’apprêtent à consommer leur mariage tout se passe mal. Le narrateur revient alors sur le parcours des mariés. Lui est issu d’une famille modeste, père instituteur, une mère « absente », il vient tout juste de finir des études d’histoire mais ne sait pas trop quoi faire de sa vie, il aimerait écrire des chroniques sur les grandes figures historiques oubliés. Son beau-père lui propose de le faire rentrer dans son entreprise. Elle, est plutôt issue d’une famille privilégiée, elle n’a qu’une passion dans sa vie, la musique ; mais ne sait pas trop si elle peut se permettre une carrière de soliste ou de premier violon au sein d’un quatuor en devenir. La rencontre se fait de manière toute à fait fortuite, ils se croisent lors d’une manifestation pacifiste. Parcours simple en somme. Sauf que les différents sociaux vont peut-être déclencher le plus grand fiasco du couple. L’éducation, le capital social, leur habitus pour reprendre les termes de Bourdieu mais aussi le malentendu, l’incompréhension, l’amour-propre sont sans doute les causes de cette catastrophe.
Mais peu importe les raisons de cette catastrophe ; après tout le narrateur ne suggère aucune piste, toutes se valent dans cette histoire déjà vue et revue plusieurs fois (mais sans doute la sexualité n’a jamais été aussi bien évoquée dans une histoire d’un couple du début des années 60). La liberté sexuelle viendra bien plus tard, avec les hippies, Woodstock. Le plus important chez McEwan c’est de choyer son lecteur, qu’il soit à l’aise, qu’il s’y trouve bien. Le style est résolument littéraire sans trop en faire non plus, avec un flegme tout britannique. On ne s’ennuie pas une page, le narrateur relance sans cesse l’intérêt que le lecteur porte sur ces personnages qui ne sont pas des caricatures. Nous n’avons pas la jeune riche éplorée et gâtée ni le jeune garçon pauvre sans éducation. Chacun de son coté a des blessures personnelles vis-à-vis de ses parents, une part d’incompréhension d’une génération qui se cherche. Avec cette manière de tout décrire dans le passé et le passif de nos deux personnages, on ne sait pas trop ce qu’en pense le narrateur mais il se dégage une certaine ironie de ton sans méchanceté, il présente un état de fait qui laisse à penser que la fin était inéluctable de toute façon.
David Goulois - 2009
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