Introduction
Si Agnès Varda se détache des autres sur un point, c'est sans doute sur son art de parler de tous les sujets à la première personne. Et elle sait le faire avec une grande poésie. Je vais tenter de jouer à ce jeu dangereux juste dans cette introduction, laisser libre cours à ma subjectivité, exprimer librement mon rapport au cinéma d'Agnès Varda, que j'ai découvert plus particulièrement à travers le film Daguerréotypes. Je le fais certainement avec beaucoup moins d'originalité et de finesse qu'Agnès Varda, mais tant pis. J'ai éprouvé de la curiosité pour son film à cause de son nom. Daguerréotypes. La rue Daguerre, je la connais bien, ma soeur y a habité pendant plusieurs années, pas très loin de chez Agnès Varda. J'ai donc parcouru la rue de long en large pendant ces quelques années (sans y rencontrer Agnès Varda malheureusement). Mais ce film, au nom si intrigant, je ne pensais pas qu'il avait un rapport si direct avec la rue. Et puis j'ai enfin vu le film, et revu plusieurs fois par la suite. Ce « portrait collectif [...] de quelques types et typesses de la rue Daguerre » comme le résume si bien Agnès Varda en voix off sur les derniers instants du film. Bien sûr, au cours du film, je n'ai pas pu m'empêcher d'essayer de situer les boutiques par rapport à ce que je connais de la rue d'aujourd'hui, de noter les différences qui se sont installées en trente ans. Mais par-delà le plaisir que j'ai pu éprouvé en reconnaissant certaines choses, le film m'a beaucoup touché par sa poésie, par la vérité de ses visages figés par la caméra d'Agnès Varda. Et puis surtout il y avait ce sentiment d'assister à un film honnête. Ce n'est ni le regard voyeur ni le regard scientifique qui prendraient les choses de haut. C'est un regard de photographe qui assume que son rôle n'est que celui d'un point de vue (au sens photographique du terme) sur le monde, un rôle de témoin et de conservateur de mémoire. Ce qui est déjà beaucoup. Agnès Varda fixe dans ce film les visages d'une dizaine de gens d'une grande banalité, des petits commerçants comme on peut en trouver partout. Elle ne les juge pas, elle les observe. Mais au milieu de ce réalisme assez brut, de ce « cinéma direct », de la poésie surgit parfois, avec l'intervention d'un magicien qui apporte un souffle nouveau au film.
De quelle façon Agnès Varda assume-t-elle la subjectivité de son regard dans ce film ?
Agnès Varda choisit de filmer sa rue, ses commerçants. Quelle relation engage-t-elle avec un sujet si proche d'elle ? Quel rôle joue la photographie dans la manière dont la cinéaste perçoit et nous fait voir le monde ? Agnès Varda parle de sa démarche comme d'un « documentaire subjectif » . Comment cela se traduit-il ?
Filmer en bas de chez soi
Le choix du sujet
Agnès Varda, depuis qu'elle a commencé à réaliser des films, en 1954, a parcouru le monde. Elle est allée filmer de l'autre côté de l'Atlantique, à Cuba (Salut les cubains, 1963) et aux Etats-Unis (Lions Love, 1969). Elle a photographié les plus grands acteurs français du TNP de Jean Vilar, comme Gérard Philipe ou Maria Casarès. Elle a fait déjà un certain nombre de films de fictions (par exemple Cléo de 5 à 7 en 1962). Mais en 1974, après quatre ans sans avoir fait de films, c'est en bas de chez elle, c'est dans la rue qu'elle habite depuis 20 ans, qu'elle décide de poser sa caméra. Dans la rue Daguerre. Non pas le côté de l'avenue du Général Leclerc avec son marché, ses primeurs très réputés et très pittoresques, mais de son côté à elle, du côté de l'avenue du Maine. Non, son coin de rue n'a rien d'extraordinaire, c'est une petite rue parisienne, avec ses commerces de proximités : épicerie, quincaillier, boucher, boulanger... Tout a commencé avec un visage, celui de Madame Chardon Bleu qui tient avec son mari une boutique de parfumerie à la vitrine inchangée depuis des années. Profitant d’une carte-blanche proposée par la chaîne allemande ZDF, elle entreprend de faire ce film. Elle délimite son sujet spatialement, entre les numéros 70 et 90 de la rue Daguerre. Cette détermination du sujet par le lieu se retrouve chez Wiseman, qui choisit à chaque fois une institution précise et n'en sort pas. Pour Agnès Varda, la raison évoquée est technique : elle est contrainte d'alimenter les projecteurs avec un câble branché sur son compteur électrique pour ne pas déranger trop les commerçants et ce câble ne mesure que quatre-vingt-dix mètres de long. Le monde des petits commerces malgré son apparente banalité fascine Agnès Varda. Elle accorde une grande importance à toute la « gestuelle des rapports humains » qui existe dans ces petits commerces.
Un film de quartier
Dans Daguerréotypes, Agnès Varda filme ses commerçants, dans sa rue. C'est un film sur le quotidien de petites gens proches de chez elle. Une sorte de portrait collectif, dont elle parvient à réunir les membres à l'occasion d'un spectacle de magie dans le café du coin. Agnès Varda dit de ce film dans le synopsis qui accompagne sa sortie : « c'est un album de quartier » . Agnès Varda conclut même le film par ses propres paroles, en voix off : « c'est un film que je signe en voisine, Agnès, la daguerréotypesse ». Pourtant l'intérêt du film dépasse le simple album photo de quartier qui n'intéresse que ceux qui connaissent des personnes photographiées. La question de la réception du film est intéressante à étudier ici. Le film a été projeté aux gens du quartier qui ont été filmés. Pour eux l'intérêt a été principalement de se voir, de se reconnaître, ils n'imaginaient pas que ce film puisse intéresser un public plus large. Et pourtant les critiques et les cinéphiles ont réservé un très bon accueil au film. Les valeurs esthétiques et de document du film rendent son intérêt universel. Le film nous parle de questions universelles, comme l'attente, la répétition quotidienne. Quelques temps après sa sortie, Agnès Varda reçoit une lettre signée par plusieurs habitants de la rue Daguerre, mais de l'autre côté de la rue, du côté pittoresque. La lettre incendiaire dénonçait la mauvaise image que le film donnait de la rue Daguerre. Mais le film d'Agnès Varda n'est pas une photo de famille ou de quartier qui cherche à donner l'illusion d'un bonheur en enjolivant la réalité. Elle n'a pas pour but de promouvoir la rue qui lui sert de décors. Ce sont les gens qui l'intéressent, les « français moyens » dont on ne parle pas souvent.
Un engagement éthique face à son sujet
Pourquoi parler de ce sujet plutôt qu'un autre ? Pourquoi filmer ses commerçants ? Agnès Varda a bien vu que le monde était en mutation et allait conduire progressivement à la disparition des petits commerces de proximité. Filmer ces petits commerces c'est les fixer pour l'avenir, les protéger contre l'oubli. Agnès Varda s'attarde sur chaque geste quotidien des commerçants. Les mains sont cadrées souvent en gros plans, soulignant la précision des gestes. On voit ainsi le boucher qui prépare sa viande, la boulangère qui rend la monnaie à un client, le parfumeur qui remplit un flacon... On retrouve cette même manière de filmer, attentive aux détails des gestes des travailleurs et travailleuses dans les Portraits que réalise Alain Cavalier bien plus tard. C'est une démarche proche qui lie les deux cinéastes. Daguerréotypes, comme les Portraits d'Alain Cavalier sont des documents. Ils conservent la mémoire de gestes qui disparaîtront sans doute. Ils sont aussi les témoins d'un type de vie propre au petit commerçant où l'attente et la lenteur du temps qui passe sont très présentes, loin du rythme rapide de la vie moderne que la plupart des gens subissent aujourd'hui. Agnès Varda a conscience de ce rôle que peut jouer son film. Elle fait ainsi intervenir sa fille Rosalie dans la boutique du Chardon Bleu qui pose au commerçant quelques questions innocentes sur ses produits et son métier. Dans le synopsis du film, Agnès Varda écrit ceci : « [Daguerréotypes], ce sont des archives pour les archéo-sociologues de l'an 2975 ». L'éthique d'Agnès Varda se situe également dans le fait qu'elle se situe par rapport à ce qu'elle filme. Elle explique sa démarche par le biais de la voix off, du magicien Mystag au début puis bien vite la sienne, en faisant référence aux daguerréotypes de Monsieur Daguerre et à son statut d'habitante de la rue Daguerre. Elle obtient ainsi un double statut, comme photographe observant ce petit monde mais aussi comme voisine.
L'oeil photographique
Agnès Varda et la photographie
Daguerréotypes est un titre au double sens évident. Il s'agit aussi bien des gens de la rue Daguerre (rue qui porte pour le coup très bien son nom), que des photographies des premiers temps sur support métallique inventées par Daguerre (qui bien sûr est celui qui a donné son nom à la rue). Agnès Varda nous donne dès le titre une clef pour lire son œuvre, c'est son rapport très fort avec la photographie. Avant d'être cinéaste, Agnès Varda a exercé tout d'abord la profession de photographe, comme d'autres cinéastes de documentaires (Depardon par exemple). Cela lui a permis d'approcher les gens de cinéma, par l'intermédiaire du monde du théâtre, en étant photographe officielle du Théâtre National Populaire de Jean Vilar. Quand elle a fait des films, son savoir-faire de photographe est resté. Ses images, même si ce n'est pas elle qui tient directement la caméra, sont très composées. On le voit notamment dans ses plans fixes sur les objets, ou même sur les visages. Mais la photographie a parfois un rôle plus profond dans ses films que la beauté du cadre. Un film comme Salut les cubains, qu'elle réalise en 1963, offre une frontière floue entre cinéma et photographie. En effet, n'ayant qu'un appareil photo à sa disposition, elle « mitraille » et anime ensuite ses images par le procédé de pixillation, faisant bouger les personnages et les objets de façon saccadée. Les images fixes prennent vie à l'écran. La photographie devient film. Pour Daguerréotypes, c'est en quelque sorte le procédé inverse : le film s'immobilise pour devenir photographie.
Daguerréotypes, portraits vibrants
Dès les premières images, la voix off de Mystag le magicien nous informe du procédé qu'Agnès Varda va utiliser, le daguerréotype. En effet, Agnès Varda veut faire une série de daguerréotypes, qui sans en respecter la technique de Daguerre, les faisant en film et en couleur, en respecterait l'esthétique et la fonction. Les daguerréotypes sont des portraits, souvent collectifs, sur lesquels les personnes posent, face à l'appareil photo. Il s'agit de fixer pour toujours le visage de ces gens, dans leur commerce. En groupe ou parfois seul, les personnages daguerréotypés se succèdent à l'image à la fin du film. Immobiles devant la caméra, posant, le regard fixé vers l'objectif, ils semblent sans vie. Et pourtant, ils respirent. L'image apparemment statique fait mieux ressortir les infimes mouvements caractéristiques de la vie : c'est la bouche qu'un homme entrouvre à peine, un très léger mouvement d'une main. La vie habite ces personnes daguerréotypées. « Ce sont des daguerréotypes vibrants » . Pourquoi immobiliser ainsi ces gens ? Peut-être pour symboliser un certain immobilisme de leur vie, comme l'immuabilité de la vitrine du Chardon Bleu qui n'avait pas changé depuis vingt ans. Le style photographique est ici en adéquation avec le sujet d'Agnès Varda, tout comme le mouvement était nécessaire pour Salut les cubains, avec Cuba qui vit au rythme effréné de sa musique, le statique, lui, va de soi quand on franchit la porte des petits commerces. Là où les clients font que passer, les petits commerçants restent, toujours dans l'attente et l'immobilisme.
Une question de regard
Agnès Varda s'affirme dans son film comme un « oeil regardant ». Sa subjectivité s'exprime par son regard et non pas par son idéologie. Le film ne juge pas, il offre au spectateur un regard nouveau sur des éléments quotidiens. Agnès Varda nous fait percevoir le monde selon un angle différent, le sien. Notre regard est conditionné par le cheminement de la caméra et du montage. Agnès Varda nous fait remarquer des détails que l'habitude nous empêche de voir vraiment. La caméra insiste sur des gestes quotidiens comme les commerçants qui rendent la monnaie à leur client, geste qui est automatique et a perdu sa signification par sa répétition quotidienne. Agnès Varda nous propose aussi une nouvelle façon de ressentir le temps. C'est le temps des commerçants, avec ses temps morts, ses lenteurs, ses répétitions. La longueur de certains plans est nécessaire pour ne pas se contenter d'apercevoir, mais de vraiment regarder. La caméra n'est pas objective. On sent par exemple le désir d'Agnès Varda de filmer Madame Chardon Bleu, cette vieille femme un peu amnésique qui semble toujours vouloir partir. Elle s'attarde sur elle. La caméra quitte parfois l'action principale (par exemple, un homme qui achète des boutons dans la boutique) pour aller se poser sur le regard absent de Madame Chardon Bleu. Pour Agnès Varda, le monde n'existe que s'il y a quelqu'un pour le voir. L'objectivité n'est pas possible, filmer c'est offrir son regard sur le monde au spectateur.
Le « documentaire subjectif »
Une mise en scène affirmée
Varda ne présente pas ici un documentaire de pure captation du réel. Certains éléments sont mis en scène. Les apparitions surréalistes de Mystag le magicien s'apparentent plus au film de fiction qu'au film documentaire. On le voit déguisé avec une cape dont l'intérieur est rouge vif, entouré de fumée, dans des décors très parisiens (devant la Tour Eiffel par exemple, premier plan du film). Ces plans sont coupés diégétiquement du reste du film. Ils apportent au film une dimension poétique. Le magicien apparaît bien dans le film par la suite, en rapport avec la rue Daguerre, puisque c'est son spectacle qui va permettre à Agnès Varda de réunir tous les commerçants qu'elle a filmé dans un lieu unique, le café du coin. Agnès Varda alterne ses moments de pure observation du réel, avec les réponses des commerçants à des questions simples qu'on n'a pas l'habitude de poser. « Qui êtes-vous ? », « D'où venez-vous ? », « Où vous êtes vous rencontrés ? » et « A quoi rêvez-vous ? ». Ces réponses nous permettent de découvrir qu'il n'y a pas plus provincial comme quartier de Paris, les noms de villages et petites villes bretonnes, normandes et autres se succèdent à la question « d'où venez-vous ? ». Les couples se sont rencontrés souvent au bal. Si chacune des histoires d'amour racontées est singulière, elles sont d'une grande banalité. Elles sortent les commerçants de leur apparente fixité. La question des rêves, qui embarrasse certains (« Je ne rêve jamais ! » s'exclame une dame), nous fait voir que ce qui hante l'esprit des gens la nuit c'est toujours le travail et la famille. Ces questions atypiques nous rendent ces gens plus humains, plus vivants encore. La mise en scène s'exprime aussi par le montage. Agnès Varda crée des liens entre les scènes pour mieux les faire se suivre. Elle profite d'un geste ou d'un objet qu'on retrouve dans les deux scènes qui se succèdent pour les lier par un montage analogique. Elle profite parfois d'une phrase de dialogue qui se répond d'une interview à l'autre. Les paroles se répondent. Par exemple un couple de commerçants raconte qu'ils sortaient au cinéma, au théâtre, mais jamais au bal. Le couple suivant enchaînent en disant que c'est au bal qu'ils se sont rencontrés. Les tours du magicien Mystag sont montés par analogie avec la vie de tous les jours des commerçants. Le feu que crache Mystag devient les braises du four du boulanger, Mystag qui multiplie des billets de banques devient les mains des commerçants qui comptent leur monnaie.
Un film-essai
Daguerréotypes trouve sa forme par un mélange organique des genres. On passe de filmage sans intervention de la cinéaste, qui se fait la plus discrète possible au tournage (façon de filmer qui s'apparente à celle de Wiseman), à des interviews frontales et à des plans poétiques, presque surréalistes de Mystag. Ce partchwork est réuni par la voix off d'Agnès Varda, par son montage analogique et par son montage sonore. Tous les éléments sont liés comme un grand corps vivant. Si le film emprunte aux modes « observation » (des scènes de pure captation du réel sans intervention de la cinéaste) et « interactif » (dialogue entre Agnès Varda et les personnes qu'elle filme), modes définis par Bill Nichols , c'est un film construit plus particulièrement sur le « mode réflexif » de sa classification. Ce mode présuppose une réflexion sur le cinéma, sur le procédé filmique. Agnès Varda nous livre au cours du film l'enjeu et le pourquoi de ce film. Elle justifie son film, tente désespérément de le qualifier à la fin du film. Le générique du début, parlé, laisse voir au spectateur le reflet de toute l'équipe du film sur une vitre, « daguerréotypée » par Agnès Varda. C'est un film-essai qui réfléchit sur le temps, la photographie et le cinéma.
Dire « je » pour donner la parole aux autres
Après l'intervention rapide de la voix de Mystag au début du film, la voix off qui ponctue de temps en temps le film est la voix de la cinéaste. Agnès Varda s'y exprime à la première personne. Les paroles sont très écrites. L'alignement des mots, le rythme des phrases s'apparentent à de la poésie. Cette voix off très travaillée doit être rapprochée de la voix off de Chris Marker. La voix laisse libre cours à l'imagination de la cinéaste. Elle n'hésite pas à jouer avec les mots (quand elle « signe Agnès, la daguerréotypesse » par exemple). La voix nous fait entrer pleinement dans sa perception du monde. Quand elle intervient, la voix guide notre regard, comme peut le faire le cadre de la caméra. Mais si Agnès Varda affirme la subjectivité de son regard, elle se fait discrète et modeste face à son sujet. Elle tente de ne pas troubler le monde qu'elle vient filmer, se faisant petite pour se faire oublier et pour assister à l'expression juste du réel. Agnès Varda ne laisse pas au montage sa voix posant les questions aux commerçants. Elle écarte sa personne physique de l'image (on ne la voit que furtivement sur le reflet de la vitre lors du générique). Elle nous dit ainsi que le sujet principal de son film, c'est les gens qu'elle filme et non pas elle. Sa voix et son intervention par la mise en scène sont là pour nous plonger dans son regard. Mais ce qui est regardé n'est pas elle, mais les autres. La voix off n'est pas descriptive, faussement objective, elle est l'expression d'un point de vue sur le monde, d'un point de vue visuel et de ressenti et non pas un point de vue idéologique et politique. C'est un film qui nous fait vivre l'espace d'un instant au rythme de petits commerçants. Agnès Varda offre son regard à des personnes qui n'ont pas l'occasion de s'exprimer ailleurs. Elle les fait exister par sa caméra.
Conclusion
Agnès Varda nous parle d'un sujet qui lui est proche, ses voisins, sans s'affirmer comme personnage à l'image ou au son, mais simplement en se plaçant comme regard, comme observatrice. L'outil-caméra lui sert de révélateur du monde. Elle dit ainsi avoir appris « à mieux voir [ses] voisins commerçants en faisant un documentaire » . Le sujet de son film est inspiré par ses sensations, par sa manière d'éprouver le monde . Si Agnès nous parle d'elle dans ce film et utilise la première personne pour s'exprimer, c'est pour mieux nous faire partager ses sensations, sa vision. Elle cherche à nous faire ressentir les personnes qu'elle filme telles qu'elle les voit et elle veut nous montrer l'intérêt qui l'a poussé à les filmer. Sa démarche est également photographique. Il s'agit de fixer un monde et des personnes vouées à disparaître, non pas pour les « tuer » de suite par l'immobilisme de la photo, mais au contraire en conservant les petits détails qui font leur vie, pour les garder vivants pour toujours. Comme un album photo de famille, ce film trouve pleinement son sens des années plus tard, quand, avec les changements de la société, il devient alors mémoire de tout un style de vie, celui des petits commerçants.
Bibliographie
Ouvrages
• Agnès VARDA, Varda par Agnès, Edition des Cahiers du cinéma, 1994
• ean-Luc LIOULT, A l'enseigne du réel, PUP, 2004
∑ Guy GAUTHIER, Un siècle de documentaires français, Armand Colin, 2004
Articles de périodiques
• Jeune cinéma, n°100, février 1976, René Prédal
• Cinéma 75, n°204, déc. 1975, propos d'Agnès Varda recueillis par Mireille Amiel
• Cinémaction, n°41, 1987, propos d'Agnès Varda recueillis par Colette Milon
• Le Monde, 2 mars 1979, Jacques Siclier
• Positif, n° 218, mai 1979, François Audé
Films visionnés
• Daguerréotypes, d'Agnès VARDA, 1975
• Salut les cubains, d'Agnès VARDA, 1963
• Portraits, d'Alain CAVALIER, 1988-91
• Films de WISEMAN
• Bonus sur la conception du film et sur la rue Daguerre trente ans après du DVD collector « Cléo de 5 à 7 et Daguerréotypes », éditions Ciné Tamaris
Conférence
• Leçon de cinéma : Wiseman par Wiseman, à la cinémathèque française, le 4 novembre 2006
Véronique Madre - Décembre 2006
Véronique Madre est étudiante en cinéma, elle à réalisés plusieurs cours métrages : Avis d’abattage ,Rendez-vous avec Saint-Pierre, Peine de sûreté.