L’Enfant Bleu
Henry BAUCHAU
Ce livre mérite qu’on s’y attarde….alors j’ai décidé de tenter de vous convaincre qu’il vaut la peine de prendre le temps de le lire. Je vous mets simplement en garde... il ne vous intéressera sans doute qu’à partir du moment où vous vous penchez sur des sujets tels que le pouvoir de la littérature, le langage poétique, le monde de l’enfance, de l’art, de la psychanalyse…en d’autres termes les domaines des sciences humaines tout particulièrement !
Avant toute chose, je tiens à vous présenter le sujet du livre…et aussi un peu l’auteur.
Quelques mots sur l’auteur
Henry Bauchau, né en 1913 en Belgique, est à la fois poète, dramaturge, romancier et psychanalyste, il n’est de ce fait pas étonnant d’y voir dans toutes ces œuvres ces quatre formations intrinsèquement liées. Son œuvre, dont l’essentiel est publié en France par Actes Sud, est aujourd’hui traduite dans toute l’Europe, aux Etats Unis, en Chine et au Japon ! Bauchau se tourne aussi vers l'Histoire et mêle aux événements de celle-ci les tumultes intérieurs de ses héros romanesques. Il s'est aussi tourné vers la Chine et on lui doit une vie de Mao Ze Dong (1982) et une œuvre poétique insolite: La Chine intérieure (1974).
L’histoire
A Paris, dans un hôpital de jour, Véronique, psychanalyste, prend en charge Orion, un jeune adolescent gravement perturbé. Malgré ses difficultés, elle discerne qu'il est doué d'une imagination puissante et entreprend de l'orienter vers le dessin et la sculpture. Les chemins de la création et ceux de la vie quotidienne sont semés d'incertitudes et d'échecs, mais dans ses "dictées d'angoisse", Orion parvient à s'ouvrir à la parole et à mettre en mots ce qui le hante. Au fil des années et suivant des voies inusitées, l'œuvre - l'œuvre intérieure et l'œuvre artistique - apparaît et s'affirme. Le délire, la confusion, les surprenants effets de l'art en actes, la patience des déliants qui partagent les efforts du "peuple du désastre" (les handicapés), le mystère indicible de la souffrance que combat l'opiniâtre espérance, tels sont les thèmes de ce livre où Henry Bauchau a versé beaucoup de son expérience de la psychose et de l'analyse pour atteindre, au-delà du vécu, à la vie du roman. Sous le signe de l'espoir, la présence fugitive de "l'enfant bleu" éclaire Orion et Véronique sur un chemin de compassion
De l’âme et de l’art
Il semblera peut-être difficile à tout un chacun de concevoir que ce livre doit absolument mériter toute son attention et qu’il ne peut en aucun cas passer outre., Avant tout, il faut bien être intéressé par et non pas forcément initiés à l’un des thèmes que j’ai présenté ci dessus, aimer la découverte, l’aventure dans les profondeurs de l’âme humaine, dans les profondeurs de l’écriture littéraire, dans le monde poétique, là où les mots s’additionnent pour ne faire qu’amplifier les doutes et les interrogations, où les mots s’autorisent avec force, profondeur, vérité et beauté leur capacité d’existence, leur pouvoir d’évocation, leur liberté aussi ! Ce livre est donc tout un ensemble, qui permet tout cela grâce à une écriture fluide, libre qui nous emmène dans les méandres de la psyché, de l’inconscient, du subconscient au delà des idées traditionnelles de la psychanalyse, de la société humaine et surtout des enfants « handicapés »…et aussi avec régal dans l’art sous toutes ses formes, peinture musique, sculpture, dessin…Outre les thèmes abordés, les personnages ont évidemment une profondeur psychologique peu commune par l'intervention obscure, trouble mais éclairante à la fois, du subconscient. On savoure la lecture d’une telle œuvre, elle nous emmène malgré nous au delà du livre, au delà de nous même sans cesse plus loin, plus à l’horizon, plus dans notre intérieur propre et personnel…mais aussi au delà des autres et de leurs images ! Une véritable œuvre littéraire qui à la fois permet la transmission d’un savoir, la beauté et la richesse des mots, d’une écriture, l’aventure dans divers domaines…une œuvre qui nous fait ressentir et réagir !
Henry BAUCHAU,
L’enfant bleu, Actes Sud, 2004
Prema YANNOU